Mieux qu’une simple boisson tirée de la sève du palétuvier, le Tsamou-tsamou dit Tsam est à la fois un esprit, une culture, une pratique qui résiste au temps. 
L’empire du Tsam se vend très bien. Il s’étend sans cesse et, ses consommateurs vantent les multiples vertus d’une boisson traditionnelle dont les principaux centre de récolte sont Gamboma et Ossio dans les Plateaux, Owando et Oyo dans la Cuvette. 

A l’origine, le Tsam est une boisson prisée à Owando, chef-lieu du département de la Cuvette, situé à 600 kilomètres au nord de Brazzaville. C’est à ce titre qu’Owando est présenté comme la capitale du Tsam. Dans le commun des Congolais, le Tsam renvoie à l’identité Kouyou, un sous-groupe de l’ethnie Mbosi qui en consomme sans modération et en a tellement fait la promotion que cet alcool a traversé les départements pour s’imposer dans les grandes villes. Des colloques y ont été consacrés sur l’initiative de l’Association des cadres d’Owando pour le soutien aux actions de Denis Sassou N’Guesso. Ce qui accrue sa renommée et ouvert des nouveaux horizons. Le Tsam est entré dans l’ordinaire des Brazzavillois au même titre que les bières des occidentaux, qu’elles soient brassées au Congo ou ailleurs. 

Un marché en plein essor 
Chaque matin, au point de jonction de la rue Mossendjo avec le point de départ de la route nationale N°2 dite route du nord, une gare routière qui fait office du marché du Tsam s’est développée. La seule  fourgonnette de marque Renault, des établissements « Trans Zamuda » et les vendeuses du Tsam réalisent des très bonnes affaires. Le premier s’est spécialisé dans la livraison de cette boisson qu’il achète auprès des récolteurs d’Ossio et de Gamboma, d’Owando et d’Oyo qu’il livre aux dames qui, à leur tour, la revendent dans leurs ngandas. 
Chaque lundi, mercredi et vendredi matin, c’est le temps des commandes. Comme ces jours, tous les mardis, jeudis samedis, les jours de livraison sont des moments agités. On assiste à une grande parade de bidons jaunes, emballage d’huile d’arachide récupérés et qui servent de conditionnement du Tsam. Le bidon de 25 litres qui se livrait à 6 000 francs CFA est vendu actuellement entre 7 000 et 8 000 FCFA. Dans les lieux de consommation, un gobelet équivalent d’un demi-litre coûte 250 francs. 50 francs sont ajutés quand la rareté se fait sentir. Dans la rue Boundji, en allant vers le lycée Antonio Agostino Neto, Colette tient un nganda très fréquenté qui doit sa popularité à sa longévité. Surtout parce qu’elle s’est lancée très jeune dans ce commerce grâce auquel elle a fini par acheter le lopin de terre qu’elle louait. « Chaque jour, j’écoule au moins deux sinon trois bidons de 25 litres. Les samedi après-midi, j’en vends jusqu’à cinq. Au départ, je recevais plus des clients originaires du district d’Owando. Mais plus de 20 ans après, j’en reçois de tous les horizons ».

Le Tsam, un aliment et un médicament 
Les éditions de la fête du Tsam ont été marquées par des symposiums  dont certains ont confirmé et renforcé le mythe de Tsam. A la fois alcool, aliment mais surtout médicament. En effet, le mythe de l’alcool qui soigne et qui fortifie fait toujours son chemin auprès des buveurs du Tsam. « Ça soigne beaucoup de maladies. Quand tu as la fièvre qui annonce le paludisme, un godet bien chaud te fait transpirer et chasse le palu. Moi, je ne vais jamais à l’hôpital ou à la pharmacie dès que je sens le palu. Je cours vite au nganda prendre un bon gobelet et le tour est joué », dit Barnabé Akondjo, un des fidèles « tsam-tsameurs » de Colette. Celle-ci qui évoque son expérience pour confirmer ce que disent la plus part de ses clients. « Le Tsam finit la faim. On peut avoir faim, mais en prenant un bon godet de lait d’Ossio, la faim finit. Le corps retrouve sa force. C’est une boisson énergisante, conseillée surtout pour les moments d’intense activité physique. Elle élimine la fatigue, régule la glycémie et maintient la tension normal ».  Jean Maturin Okemba renchérit : « ce n’est pas qu’on m’a dit, mais moi-même j’ai fait l’expérience, ceux qui consomment régulièrement cette boisson, tombent difficilement malade. C’est une boisson protectrice, surtout quand elle est prise chaude ».  
Pour avoir pu traverser les départements et parce qu’il est désormais exigé dans les cérémonies coutumières tels que les dotes, les palabres, les conseils de famille et les séances d’audiences dans certains tribunaux traditionnels, le Tsam n’est plus l’affaire des Kouyou seulement. L’échec de son industrialisation envisagé par Marien Ngouabi, alors président de la République, n’a pourtant pas sonné le glas de cette boisson qui résiste bien à la concurrence des boissons dites hygiéniques brassées au Congo ou à l’étranger. Accessible à tous du fait de son prix très bas en cette période de crise notamment, le Tsam semble avoir un bel et long avenir.

Image illustrative. s/o koaci com

Ernest Blanchard DIMI

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